L’Etude

Quels sont les facteurs de motivation et les clichés empêchant les jeunes de se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Nous avons mené des entretiens en France, en Grèce, en Irlande et en Slovénie auprès d’entrepreneurs ayant tenté l’aventure de l’entrepreneuriat jeune. Ces entretiens ont permis de mieux comprendre les facteurs de motivation et les clichés empêchant les jeunes de se lancer dans la création d’entreprise.

Les thèmes que nous avons identifiés et les principales conclusions ont été les suivantes :

1) Assurer une représentation plus diversifiée des entrepreneur.e.s ayant réussi
Les clichés sur l’entrepreneur.e qui réussit sont très universellement partagés : un homme blanc aux cheveux gris. Éliminer les biais liés à cette représentation est essentiel : représenter de jeunes entrepreneur.e.s à succès, davantage de femmes, des origines plus diverses… Le commentaire d’un.e entrepreneur.e sur des gens qui lui demandaient qui était le patron (alors que c’était lui.elle) peut être un point de départ pour des portraits de jeunes entrepreneur.e.s avec une légende humoristique : « C’est qui le patron ? ».

2) Encourager le réseautage et le mentorat intergénérationnel
Une façon de lutter contre les préjugés sur les jeunes et leur manque d’expérience relatif ou supposé serait de créer des opportunités permettant aux entrepreneur.e.s jeunes et âgés de partager leur expertise, d’apprendre les un.e.s des autres, de se prendre en charge et d’être le mentor l’un.e de l’autre.

3) Former les “adultes” sur la manière de soutenir les jeunes
Nous avons mis l’accent sur le point de vue des jeunes dans ces entretiens, mais il était frappant de constater à quel point leur succès avait été influencé par la confiance des adultes qui les entouraient. On ne peut pas s’attendre à ce qu’un.e jeune réussisse si il.elle ne reçoit aucun soutien ou encouragement de la part des adultes de son entourage. Là encore, il est naturel que les parents ou les enseignant.e.s se préoccupent du succès de leurs enfants ou de leurs élèves, en particulier dans des contextes économiques difficiles. Nous pourrions penser à des outils pour aider ces adultes à mieux soutenir les jeunes, ou même à une boîte à outils pour les jeunes « Comment convaincre vos parents (ou du moins, ne pas être trop influencé par leurs peurs) ? », etc. Il est important de les aider à rester concentré.e.s et à pouvoir faire la distinction entre les doutes naturels et les peurs des adultes qui les entourent, et à prévenir réellement que le projet est potentiellement non viable. La clé consiste à aider les jeunes à trouver le soutien dont ils.elles ont besoin pour leur donner les meilleures chances de réussir.

4) Promouvoir un état d’esprit où les jeunes entrepreneur.e.s sont supposé.e.s réussir par défaut
Au-delà de l’environnement proche des ami.e.s et de la famille, analysé dans cette enquête, l’environnement culturel du pays joue un rôle important dans la capacité des jeunes à envisager le succès en tant qu’entrepreneur.e : il semble y avoir des pays où les jeunes sont voué.e.s à l’échec en raison de leur inexpérience et des pays où ils sont encouragé.e.s à réussir. Les initiatives européennes et internationales peuvent jouer un rôle important en soutenant un esprit et une motivation entrepreneuriale. Le but est d’inciter les jeunes à adopter l’état d’esprit décrit par Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ».

5) Redéfinir la notion d’échec
Un grand nombre de personnes interrogées ont exprimé leur conviction que leur expérience d’entrepreneur.e serait très utile, même si leur projet venait à échouer. Ils étaient conscients des compétences, des connaissances et de l’expérience qu’ils développaient et ne correspondaient pas à la perception générale de l’échec en Europe. La perception de l’échec peut être façonnée différemment et présentée comme une étape du parcours entrepreneurial plutôt que sa fin. Cela peut commencer par illustrer les multiples situations pouvant être interprétées comme des échecs mais qui sont naturelles et prévisibles.

6) Être encourageant.e mais réaliste face aux réalités de la création d’entreprise – « à quoi s’attendre quand on crée son entreprise »
Conformément au commentaire ci-dessus, il est important d’être très clair.e et franc.he sur ce à quoi s’attendre lors de la création d’une entreprise : manque d’enthousiasme, manque de soutien, proximité de la vie personnelle et professionnelle, retards de paiement, discipline requise, ascenseur émotionnel… Cela aidera les jeunes à ne pas être décontenancé.e.s ou découragé.e.s lorsqu’ils.elles se retrouveront dans ces situations et à les voir plutôt comme faisant partie du processus. La clé ici est de fournir des informations, mais surtout d’insister sur les solutions, où trouver de l’aide, etc.

7) Définir les qualités essentielles d’un.e entrepreneur.e qui réussit
Définir ce qu’il faut pour réussir est important : dynamisme, soutien, passion, discipline, capacité à nouer des liens avec les autres, compréhension approfondie du marché… L’élaboration d’une telle liste pourrait aider les adultes à orienter et à conseiller les étudiant.e.s qui envisagent la création d’entreprise. Cela peut également les aider à distinguer l’âge de leurs compétences et de leur état d’esprit et à identifier les jeunes qui ont ce qu’il faut.

8) Aider les jeunes à démarrer
Beaucoup de personnes interrogées ont dit s’être senties submergées quand elles ont commencé, ne sachant pas vraiment par où commencer ni où trouver de l’aide. Les aider à se libérer de la peur de commettre des erreurs et insister sur l’importance de se lancer (pas à pas, la clarté découle de l’action) sera essentiel pour combattre le piège du perfectionnisme mentionné par de nombreuses personnes interrogées. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes femmes, qui ont tendance à y tomber plus souvent que les jeunes hommes.

9) Repenser la manière dont l’entrepreneuriat est enseigné dans les écoles et les universités
Dans les questions sur le rôle joué par l’école, de nombreuses personnes interrogées ont commenté le manque de pertinence de leurs cours sur l’entrepreneuriat : trop théorique, pas assez de connaissances venant de vrais entrepreneur.e.s, certains cours enseignés trop tôt (business plan par exemple)… Il y a de grandes possibilités d’amélioration sur ce point et c’est l’occasion de sensibiliser les écoles à ce dont les jeunes entrepreneur.e.s ont réellement besoin en termes de compétences.

10) Adapter les messages spécifiques aux jeunes femmes
Les entretiens avec les jeunes femmes ont mis en évidence des différences dans la manière dont les femmes perçoivent et vivent la création d’entreprise. Plusieurs des thèmes que nous avons identifiés pour cette population spécifique sont les suivants : renforcement de la confiance en soi, aptitudes à la négociation, prise au sérieux dans des domaines à prédominance masculine, impact de la maternité…